Portraits de femmes : Marine Winand

Découvrez le quatrième épisode de notre série « Portraits de femmes : Pour les femmes ayant un mandat politique ». Nous continuons cette série avec Marine Winand, échevine de la commune Gouvy. Des propos recueillis par Laetitia Kizizie – De Boeck.

Profil

Échevine de la commune de Gouvy – sans enfant

Parcours académique :

Diplômée en tant qu’enseignante en Sciences Humaines pour le secondaire inférieur en 2018 à la Haute École Namur Liège Luxembourg à Bastogne.

Diplômée du master en Sciences de l’Éducation, finalité Formation des Adultes, en 2021 à l’Université de Liège.

Parcours professionnel :

Septembre 2018 – Décembre 2018 : Bref parcours en tant qu’enseignante dans le secondaire inférieur, à des postes de remplacement.

Décembre 2018 à aujourd’hui : Échevine de la culture, de l’accueil temps libre, de la cohésion sociale, des ainés, de la jeunesse, de la famille, de la bibliothèque et de l’espace public numérique.

Septembre 2021 – Septembre 2022 : Chargée d’éducation à la citoyenneté mondiale et solidaire chez Eclosio, ONG de l’Université de Liège.

Septembre 2021 à aujourd’hui : Assistante-doctorante à l’Université de Liège, dans l’Unité d’Apprentissage et de Formation Continue des Adultes.

Février 2024 à aujourd’hui – Coordinatrice des campagnes régionale et fédérale pour la Province du Luxembourg.

Engagement associatif :

Outre mes activités d’échevine qui m’amènent à travailler avec de nombreux bénévoles, je dédie le peu de temps qu’il me reste pour m’engager bénévolement en tant que déléguée à l’action citoyenne pour le Bassin de Vie de Bastogne et en tant que co-représentante des jeunes pour la Province du Luxembourg chez les Engagés.

Motivation

La curiosité fut le moteur de mon engagement en politique.

Apprendre signifie pour moi mieux comprendre, et mieux comprendre permet de mieux agir. Mon entrée en politique, sur fond de curiosité, renvoie à ce triptyque apprendre – comprendre – agir de manière adéquate dans l’environnement qui nous entoure.

J’avais 20 ans lors des élections de 2018. J’allais pouvoir voter pour la première fois. J’avais demandé à mon papa, qui avait déjà une certaine sensibilité pour la politique locale sans pour autant vouloir s’y investir, pour l’accompagner aux différents meetings de la commune afin de comprendre pour qui et pour quoi j’allais voter.

Contrairement à ce qu’il se passe souvent, c’est moi-même qui ai manifesté mon intérêt à rejoindre la nouvelle liste qui se mettait en place sur la commune de Gouvy. D’électrice novice, je devenais donc candidate et possiblement représentante locale.

Au mieux, je me disais que j’aurais peut-être la possibilité d’être conseillère communale, au pire, c’était une belle expérience que de pouvoir écrire un programme électoral et de fréquenter des personnes qui s’y connaissent. À nouveau, ma soif d’apprendre et de mieux comprendre ont été le fil rouge de mon engagement.

Par ailleurs, j’avais également un attrait pour le travail de proximité telles que les actions citoyennes, les activités de terrain, … L’engagement en politique communale répondait alors à ce souhait d’ancrage local en permettant de travailler avec et pour les citoyens.

Le travail d’échevin nécessite de comprendre l’environnement dans lequel on travaille mais également le fonctionnement public à plus large échelle. Cela demande donc de prendre un peu de hauteur pour réfléchir les choses tout en offrant la possibilité de pouvoir mettre en place des projets plus concrets.

Cette fonction me permet donc de trouver un bel équilibre entre réflexion et action.

Contribution

Il me parait difficile de mettre en évidence et distinguer ce qui pourrait être une contribution spécifique d’un homme ou d’une femme en politique. A titre personnel, je n’ai pas éprouvé le besoin de devoir spécifier mon apport en contraste à celui d’un homme.

Par prudence, je préfère donc m’en référer à ma propre expérience au sein d’un collège où la parité est parfaite. Lors des réunions de collège, je constate que la présence des femmes amène parfois un peu plus de nuance lorsque certaines décisions peuvent être prises un peu trop radicalement, mais cela dépend aussi des sensibilités de chacun.

Mandat 

Je travaille comme échevine dans la commune de Gouvy depuis décembre 2018.

Cette commune compte 5.400 habitants. Il s’agit d’une commune rurale composée de 23 villages et d’un tissu associatif relativement important. Il s’y passe donc toujours quelque chose !

Le collège communal compte six membres : la bourgmestre, les quatre échevins et le président de CPAS. Ce collège se réunit une fois par semaine, le mardi, pour prendre toute une série de décisions liées à la gestion quotidienne d’une commune. Cela demande donc à chacun d’amener et de maitriser les points relatifs à ses compétences mais aussi de s’assurer de comprendre les points amenés par ses collègues afin d’avoir des discussions et de prendre des décisions de manière éclairée.

En ce qui me concerne, j’ai la chance d’avoir en charge des attributions dans le domaine du socio-culturel. Cela implique donc un gros travail sur le terrain, avec les équipes, pour mener à bien les projets. C’est aussi un choix de ma part : je réfléchis aux projets avec les agents communaux et je les accompagne dans leur réalisation tout en étant garante de la volonté du collège communal. Il s’agit donc de trouver l’équilibre entre soutien des projets des agents et volonté politique, ce qui est quelquefois un peu sportif !

Mes attributions, au-delà du temps que je consacre au travail avec les équipes, demandent également un temps important de représentation, notamment en soirée et durant les week-ends, à l’occasion par exemple des vernissages, des événements culturels, des noces et des anniversaires des ainés, …

En réalité, il est difficile de quantifier le travail d’un membre d’un collège communal tant cela dépend de sa volonté à investir plus ou moins la fonction. Dans le collège auquel j’appartiens, chacun investit vraiment sa fonction et cela contribue sans aucun doute au bon fonctionnement de notre équipe.

Challenges

Cinq ans plus tôt, j’aurais sans doute parlé du défi de la jeunesse. Si les citoyens sont généralement assez positifs quant à l’arrivée de jeunes en politique locale, tout n’est pas gagné pour autant.

Ma première rencontre avec un groupe d’ainés avec qui j’allais être amenée à collaborer avait d’ailleurs annoncé la couleur… « Elle sort de maternelle » m’a-t-on dit. À l’heure d’aujourd’hui, je travaille toujours avec ces mêmes ainés et la relation est vraiment très bonne.

De manière générale, je crois que les jeunes sont un peu attendus au tournant. Mais si tu maitrises tes dossiers, si tu prends le temps nécessaire pour écouter ce que les personnes souhaitent te dire et si tu défends tes positions lorsque cela en vaut la peine en gardant une certaine ouverture face à d’autres propositions, cela facilitera vraiment le travail pour la suite.

Un autre défi auquel je pense renvoie aux critiques des citoyens. Au début de mon mandat, j’avais tendance à prendre très à cœur toutes les critiques reçues, qu’elles soient constructives ou non, et cela pouvait être très énergivore. Au fil du temps, et avec l’aide de mes collègues et de mes proches, j’ai appris à faire la part des choses. Je suis convaincue que ce mandat m’aura beaucoup appris sur moi-même. D’une personne parfois très impulsive, je suis désormais en mesure de prendre beaucoup de recul sur bon nombre de situations afin de les analyser avant de manifester quoique ce soit. Cela n’est toutefois pas toujours aisé, d’autant plus lorsque j’estime que ces retours sont injustes ou ne prennent pas en considération tout l’investissement qu’il y a eu derrière.

Enfin, un dernier défi rencontré renvoie au positionnement spécifique des mandataires dans une commune et j’en ai dit quelques mots précédemment. Si les membres du collège communal ont la main sur les projets à mettre en œuvre, nous n’avons pas pour autant autorité sur le personnel, celui-ci dépendant de la directrice générale et des responsables de services. Forcément, en cas de problème, il est souvent difficile voire impossible de traiter ces deux aspects séparément. J’imagine que cette situation peut également être une réalité difficile pour les membres du personnel communal.

Exigences du mandat 

Je retiens trois choses de cette expérience qui me semblent essentielles pour exercer un mandat : le temps, l’écoute et l’humilité.

Le temps d’abord parce que mettre en place des projets qui répondent d’une part aux demandes de la population et du personnel et d’autre part aux exigences du politique et des instances supérieures demande une énergie considérable et des négociations parfois assez longues. Ce qui parait parfois simple au départ peut finalement prendre plus de temps que prévu. Cela nécessite donc aussi de faire certains arbitrages et de faire le deuil d’autres projets.

Ensuite, j’écoute attentive des citoyens, du personnel, des membres du collège et du conseil communal.

Et enfin, l’humilité car écouter ne suffit pas si l’on n’est pas en mesure aussi de reconnaitre notre incompétence dans certaines matières, dans la manière dont nous avons pu gérer l’un ou l’autre projet, dans la manière dont nous avons peut-être omis de consulter l’une ou l’autre partie prenante, … Cette humilité qui conduit d’ailleurs toujours à la curiosité.

Conciliation

N’ayant pas d’enfants, je présume que cela facilite sans doute la conciliation vie privée et vie politique.

Cela ne m’empêche pas de rencontrer certaines difficultés liées à ma fonction au sein d’espaces privés. Il arrive parfois que des sujets politiques arrivent sur la table lors d’un repas de famille ou avec des amis. Si au début de mon mandat, je mettais beaucoup d’énergie à expliquer, argumenter, débattre sur ces sujets, j’ai aujourd’hui pris le parti de stopper directement ces échanges, invitant les personnes à me contacter dans un autre espace pour avoir cette discussion. Je crois que cela est plus sain pour moi comme pour les autres qui étaient parfois mal à l’aise face à ces échanges qui pouvaient parfois prendre beaucoup de place.

Si le mandat politique demande un investissement considérable en temps, l’investissement émotionnel est quelque chose de très présent aussi. Il me semble donc important de pouvoir en faire part à son entourage. Cela implique donc de se sentir soutenu. D’expérience, il est parfois difficile pour les proches de bien comprendre ce que nous faisons et pourquoi nous sommes autant investis dans la fonction.

J’ai choisi de consacrer ce dernier espace à l’importance d’être bien entourée lorsque l’on est candidat.

Suite à un changement dans mon parcours personnel, je quitterai mon mandat d’échevin fin février 2024 pour prendre un poste de conseillère communale. Je me représenterai ensuite aux élections d’octobre 2024, toujours à Gouvy.

C’est avec beaucoup de regret, mais aussi beaucoup de reconnaissance, que je quitte cette chouette équipe. L’expérience de mandataire public est composée de rencontres, de défis, de difficultés, de choix, de projets, … Elle n’aurait pas été la même sans ces collègues avec qui j’ai passé un nombre incalculable de mardis en séances de collèges, de mercredis soirs en séances de conseils, de soirées consacrées à des réunions aux thématiques variées, … Quel plaisir de travailler avec des personnes respectueuses, efficaces, à l’écoute, déterminées à agir pour le bien commun, conscientes de faire des choix qui ne plairont pas toujours à la majorité mais assez au clair avec elles-mêmes que pour les assumer pleinement.

Alors, merci mille fois à eux pour tout cela. Merci d’avoir été toujours soutenant, valorisant, reconnaissant, pour m’avoir fait réfléchir et revoir certains choix, pour la transparence, pour la compétence.