Dans le contexte géopolitique actuel, comment agir face à l'influence croissante des médias sociaux, notamment pour lutter contre les fake news et l’ingérence dans les débats publics ?

Une mutation profonde des usages informationnels 

Les médias sociaux sont devenus, en quelques années, une des principales sources d’information du grand public. En moyenne, 37 % de la population s’informe prioritairement via les plateformes, un chiffre qui dépasse les 50 % chez les jeunes. En Belgique, le recul de la presse papier est particulièrement marquant : à peine un citoyen sur quatre lit encore l’actualité sur un support imprimé, soit deux fois moins qu’il y a cinq ans.  

YouTube, Instagram, TikTok ou encore X sont devenus des vitrines majeures de l’information, privilégiant une logique de viralité, de formats courts et d’émotion, souvent au détriment de la rigueur, du contexte ou de la vérification des sources. Les codes médiatiques traditionnels sont bouleversés ; les créateurs de contenu et influenceurs concurrencent désormais les journalistes dans la formation de l’opinion. 

Une vulnérabilité démocratique : fake news, complotisme, ingérences 

Ce changement dans les usages informationnels a ouvert la voie à une explosion des fake news, théories du complot et manipulations. Deux tiers de la population européenne dit avoir déjà été exposés à des contenus faux ou trompeurs, sans être certains de pouvoir les identifier. Certains partis politiques, en Belgique comme ailleurs, exploitent ces dynamiques pour entretenir une défiance vis-à-vis des institutions, des médias traditionnels ou de la science. 

Plus grave encore, cette désinformation peut être instrumentalisée à des fins politiques. Des puissances étrangères ont déjà orchestré des campagnes d’ingérence lors d’élections (l’ingérence russe a été démontrée lors des présidentielles françaises en 2017 par exemple), profitant du peu de régulation des plateformes. En Belgique, la législation reste embryonnaire. Ces pratiques visent à affaiblir la cohésion démocratique et favoriser les partis extrémistes ou eurosceptiques. Face à ces menaces, l’Union européenne a renforcé sa riposte : elle a adopté de nouvelles lois, mis en place des commissions d’enquête, et appelé à des sanctions plus sévères. 

Le rôle opaque des plateformes et des algorithmes 

Cette vulnérabilité est renforcée par le rôle déterminant des algorithmes. Conçus pour maximiser le temps d’attention et l’engagement, ces systèmes de recommandation privilégient les contenus les plus polarisants, sensationnalistes ou extrêmes, car ils génèrent plus de clics et de réactions. Leur fonctionnement est souvent opaque, ce qui rend difficile l’identification des biais, la modération ciblée ou la responsabilité des acteurs impliqués. Dans certains cas, l’architecture même des plateformes empêche la mise en œuvre d’une modération efficace, notamment lorsqu’elles sont régies par une vision libertarienne de la liberté d’expression.  

Le retour de Donald Trump sur la scène politique internationale, ainsi que sa proximité avec des figures comme Elon Musk, accentuent les inquiétudes quant à un éventuel recul des normes démocratiques dans la gouvernance du numérique. La doctrine américaine, plus permissive en matière de modération et de responsabilité des plateformes, entre en collision avec le modèle régulatoire défendu par l’Union européenne à travers le Digital Services Act (DSA) et le Digital Markets Act (DMA). 

Une rupture technologique : les défis de l’intelligence artificielle 

L’irruption de l’IA générative ajoute un degré de complexité. Deepfakes vocaux, vidéos truquées, faux articles ou commentaires automatisés : il est désormais possible de manipuler à grande échelle, de manière crédible et invisible. Des contenus falsifiés impliquant des dirigeants européens ont déjà circulé, générant confusion et instabilité. Ces usages échappent encore largement à toute régulation. L’IA devient ainsi un levier d’ingérence, de désinformation ou de manipulation à grande échelle, d’autant plus dangereux qu’il échappe encore largement à la régulation. 

Les réponses proposées par Les Engagés 

Face à ces défis, l’Europe ne peut rester passive. Elle doit affirmer sa souveraineté numérique et protéger ses citoyens. C’est la vision que défendent Les Engagés. Le Mouvement plaide pour une position de leadership européen dans la régulation des grandes plateformes, ainsi que pour le développement de solutions technologiques souveraines, telles que des moteurs de recherche, des IA génératives ou même des réseaux sociaux européens. Cette autonomie permettrait de limiter la dépendance aux infrastructures nord-américaines et de garantir une plus grande conformité avec les valeurs démocratiques européennes. 

Les Engagés appellent également à une obligation de transparence algorithmique : chacune et chacun doit savoir pourquoi tel ou tel contenu lui est proposé, selon quels critères, et avec quels effets potentiels. Dans la même logique, le Mouvement soutient l’obligation d’étiquetage des contenus générés ou modifiés par intelligence artificielle. Une mesure est déjà en discussion concernant les photos retouchées : elle devrait être étendue à l’ensemble des supports numériques, incluant vidéos, audios et textes. 

Une ambition plus large : éducation, diplomatie et souveraineté 

Pour notre Mouvement, il est également essentiel de renforcer l’éducation aux médias. Celle-ci ne peut se limiter à l’école : elle doit mobiliser l’ensemble de l’écosystème numérique – plateformes, journalistes, influenceurs, associations – et s’adapter aux nouveaux usages. Les jeunes apprennent désormais sur les réseaux, où les frontières entre divertissement, publicité et information sont floues. Il faut donc former à la reconnaissance des codes visuels de l’IA, à la compréhension des mécanismes algorithmiques et aux enjeux éthiques de l’écosystème numérique. 

Enfin, le respect des règles européennes s’appuie sur un principe clé : ce sont les normes du pays où le contenu est consulté qui s’appliquent. Grâce à ce principe, l’Union européenne peut faire valoir ses standards, même auprès des grandes plateformes mondiales. Cependant, pour garantir l’efficacité de cette souveraineté numérique, il faudra aller plus loin : en ayant recours à la diplomatie, éventuellement à des sanctions économiques, ou encore à l’interdiction ciblée de certains services en cas de violation des règles essentielles. 

Pourquoi ce débat ? 

Cette contextualisation a pour objectif de nourrir la réflexion collective dans le cadre du processus participatif annuel autour des thèmes de réflexion. Il s’agit non pas seulement de constater les manques, mais surtout de faire émerger des propositions originales, concrètes et ancrées dans le vécu des citoyennes et citoyens. Nous comptons sur vous pour enrichir cette démarche avec vos idées, vos expériences et vos initiatives ! 

Dans le cadre de son processus annuel de réflexion, Les Engagés invitent toutes et tous à contribuer à l’actualisation de notre projet politique. En complément des événements organisés sur le terrain dans les bassins de vie, vous pouvez contribuer en ligne à cette thématique!

Vos idées viendront alimenter les échanges locaux ainsi que les travaux du groupe de travail en charge d’élaborer des propositions concrètes. Chaque contribution compte !

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Parmi les actions suivantes, lesquelles vous semblent prioritaires pour lutter contre la désinformation sur les réseaux sociaux ?
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Le rôle des Président.e.s des Groupes de travail

Les président·e.s des Groupes de travail occupent une place essentielle dans notre démarche participative. Désignés pour leur expertise et leur connaissance approfondie de la thématique, ils et elles ont pour mission de piloter la réflexion, d’animer les échanges au sein de leur groupe et de structurer les contributions. Ces dernières émanent des débats organisés dans les bassins de vie ainsi que des réponses recueillies via notre site. Les président·e.s veillent à faire émerger des recommandations claires, cohérentes et ambitieuses, qui seront ensuite soumises à l’Assemblée politique et à la Convention annuelle pour nourrir le projet du Mouvement.

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Ismaël Nuino

Je m’appelle Ismaël Nuino, j’ai 24 ans et je suis député fédéral pour Les Engagés, ainsi que président de la Commission Justice à la Chambre. En tant que plus jeune député de notre assemblée, je fais partie d’une génération qui a grandi avec les réseaux sociaux, qui en connaît les codes, les opportunités, mais aussi les dérives. Ce monde numérique, je l’ai vu évoluer, m’a toujours fasciné, mais il m’a aussi très vite montré son revers : celui des fausses informations, des discours de haine et des manipulations qui minent la confiance démocratique.

Je suis convaincu que ce qui est interdit dans la vraie vie doit aussi l’être en ligne. C’est dans cet esprit que je défends, entre autres, la fin de l’anonymat sur les plateformes. Ce n’est pas une question de contrôle, mais de responsabilité. Nous devons bâtir un cadre qui protège sans brider, qui responsabilise sans exclure.

Car tous les citoyens ne sont pas égaux face au numérique. Il y a une fracture, parfois invisible, entre ceux qui maîtrisent les outils et ceux qui les subissent. C’est une question de justice sociale qui m’est chère. Dans un monde en mutation accélérée — entre intelligence artificielle et ingérence étrangère — la régulation du numérique devient un enjeu fondamental pour notre société. C’est pour cela que je participe à ce groupe de réflexion : pour penser ensemble un avenir numérique plus juste, plus sûr, et plus démocratique.