Risques concernant la solution des avoirs russes immobilisés
Premièrement, il faut s’assurer que les risques pour l’Etat belge d’une telle opération soient complètement mutualisés. Imaginez par exemple que la Russie attaque en justice la Belgique suite à cette décision d’utilisation de ses avoirs depuis notre territoire et que la Russie gagne, qui payera la facture ? La seule Belgique ne saurait faire face au remboursement de ces près de 200 milliards (si l’ensemble est pris), auxquels pourraient s’ajouter des dédommagements et des compensations pour pertes économiques de plusieurs milliards supplémentaires. C’est plus que le budget fédéral annuel ! Ce serait un désastre budgétaire inimaginable qui pourrait mettre notre économie et notre sécurité sociale en danger indescriptible. Cela tombe donc sous le sens que ce risque doit être mutualisé (c’est-à-dire partagé aussi avec les autres pays européens) mais dans l’état actuel des textes, ce n’est pas le cas. Autre risque : que la Russie, en représailles, décide de saisir les fonds belges, voire mêmes des entreprises privées et industries à capitaux belges ou européens qui se trouvent sur son territoire ou le territoire de ses alliés. Elle a déjà menacé notre pays et l’Europe.
Deuxièmement, il faut protéger Euroclear. Cette société ne peut pas avoir à subir seule les conséquences d’une telle décision. C’est d’autant plus important que s’agissant d’un acteur financier majeur, son affaiblissement aurait un impact tout aussi majeur sur les marchés européens, et des conséquences économiques néfastes pour tous. Pour assurer la solidité de l’opération pour Euroclear, celle-ci doit recevoir en échange de la part de la Commission européenne ce que l’on appelle dans le jargon financier un instrument financier négociable productif d’intérêts. En outre, si les dizaines de milliards mis en gage devaient être restitués immédiatement à la Russie, il faut qu’Euroclear puisse avoir la certitude de disposer des liquidités nécessaires. Et donc que les partenaires européens s’engagent concrètement à cette mise à disposition immédiate des milliards requis auprès d’Euroclear. La Banque centrale européenne a indiqué ne pas pouvoir couvrir cette opération. Si le signe est donné aux autres pays du monde que leurs avoirs souverains stockés en Europe peuvent être instrumentalisés sur base d’une seule décision politique, le risque subsiste d’un retrait massif de leurs fonds et par voie de conséquence d’un effondrement des places financières européennes et de l’euro.
Troisièmement, si on devait néanmoins avancer sur cette voie, nous considérons qu’il ne faut pas seulement mobiliser les avoirs en Belgique, mais l’ensemble des avoirs russes immobilisés dans l’Union européenne. Il en existe aussi dans d’autres pays. Or on se focalise uniquement sur la Belgique, où la somme la plus importante est concentrée. C’est une question de cohérence, de justice et de solidarité. A nouveau, il n’y aucune raison que la Belgique assume seule la décision et concentre tous les risques.