Crise du Logement à Bruxelles : constats et pistes de solution

La pénurie structurelle de logements abordables touche en priorité les ménages à revenus faibles et moyens, mais ses effets s’étendent désormais à des publics de plus en plus larges. Elle résulte d’une combinaison de facteurs : la pression démographique, le ralentissement de la production de logements neufs, la dégradation du parc existant, les contraintes budgétaires publiques et la perte progressive de confiance de certains acteurs privés qui hésitent à mettre en location.

Partant de ce constat, une table ronde a été organisée par notre Mouvement dans un esprit de nuance et d’ouverture, sans opposer les acteurs ni les formes d’habitat, et en reconnaissant la complexité juridique, technique et financière du logement. Elle a réuni experts, acteurs de terrain, représentants institutionnels et citoyens, aux côtés de notre députée bruxelloise Marie Cruysmans, membre de la Commission du logement. Les présentations ont insisté sur l’importance de replacer les besoins humains, sociaux et territoriaux au cœur des politiques publiques, en tenant compte des réalités de terrain.

L’ambition ? poser le diagnostic et dégager des leviers d’action concrets, au-delà des clivages sectoriels, sachant que la crise du logement à Bruxelles est profonde, structurelle et systémique.

Une crise avant tout structurelle et quantitative

Les échanges ont mis en évidence que la crise du logement est d’abord une crise de volume. L’offre de logements abordables est insuffisante pour répondre aux besoins actuels et futurs, tant dans le logement social que dans le parc privé. Cette pénurie résulte d’un enchevêtrement de facteurs documentés dans le rapport : pression démographique, ralentissement de la production de logements neufs, vieillissement et dégradation du parc existant, contraintes budgétaires publiques et retrait progressif de certains investisseurs privés.

Le logement social illustre particulièrement ces tensions. Avec plus de 60 000 ménages en attente et un parc représentant environ 11 à 13 % du parc résidentiel régional, il demeure structurellement insuffisant. Les Sociétés Immobilières de Service Public, dépendantes des financements de la Société de Logement de la Région Bruxelloise, sont confrontées à des arbitrages difficiles entre rénovation lourde et production nouvelle, dans un contexte de délais administratifs longs et de capacités financières limitées.

Rénovation, foncier et maintien du parc abordable

Face au ralentissement de la construction neuve, la rénovation du parc existant apparaît comme un levier incontournable, mais semé d’obstacles. Le coût élevé des travaux, notamment énergétiques, pèse lourdement sur les opérateurs qui souhaitent maintenir des loyers accessibles. Les copropriétés, très présentes à Bruxelles, constituent un nœud critique en raison de la complexité décisionnelle et du manque de solutions de financement adaptées.

Le foncier est identifié comme un levier stratégique majeur. Le rapport souligne l’intérêt d’outils tels que le démembrement sol/bâti, le bail emphytéotique ou les modèles inspirés des Community Land Trust, qui permettent de préserver la maîtrise publique du foncier tout en rendant certains montages économiquement viables, sous réserve d’un cadre clair et stable.

Diversité des formes d’habitat et reconnaissance institutionnelle

Les nouvelles formes d’habitat, notamment l’habitat partagé et groupé, offrent des réponses pertinentes à des enjeux sociaux majeurs comme l’isolement, la précarité ou le vieillissement. Toutefois, leur pérennité est fragilisée par un cadre juridique et fiscal inadapté, ainsi que par des freins relevant du niveau fédéral, en particulier le statut de cohabitant. Le rapport insiste sur la nécessité de mieux reconnaître ces projets comme des projets de vie, complémentaires aux réponses quantitatives, et de lever les obstacles structurels qui les pénalisent.

Investissement privé et climat de confiance

Le rôle du secteur privé, en particulier des petits propriétaires-bailleurs, est apparu central pour l’équilibre du marché. Les participants ont exprimé une inquiétude croissante face à l’insécurité juridique, aux lourdeurs administratives, aux délais judiciaires en cas d’impayés et à certaines évolutions réglementaires perçues comme décourageantes. Plusieurs signaux de désengagement du parc locatif privé ont été évoqués, avec un impact direct sur l’offre globale. La restauration de la confiance entre pouvoirs publics, investisseurs et citoyens est identifiée comme une condition transversale indispensable.

Enseignements pour la suite

Il ressort des échanges plusieurs axes structurants : la nécessité d’une approche systémique, la priorité donnée à l’augmentation du volume de logements accessibles, la simplification et la lisibilité du cadre institutionnel, et l’évolution du cadre conceptuel vers une approche de « logement à finalité sociale », intégrant une pluralité d’acteurs et de montages tout en maintenant des exigences fortes de régulation et de protection.

En conclusion, les échanges ont permis de dépasser les lectures simplifiées de la crise du logement pour faire émerger un diagnostic partagé, nuancé et ancré dans les réalités de terrain. Elle constitue une base solide pour poursuivre un travail de priorisation, d’arbitrage et de traduction politique, avec l’objectif commun d’augmenter durablement l’offre de logements accessibles à Bruxelles, dans un esprit de coopération, de justice sociale et de confiance retrouvée.

Pour en savoir plus : cecile.molle@lesengages.be