Montée d’une « international réactionnaire » et influence sur la politique belge
Dans quelles mesures la montée d’une « internationale réactionnaire » incarnée par Donald Trump aux Etats-Unis ou encore Viktor Orban, Marine Le Pen et Giorgia Meloni en Europe, influence-t-elle les discours et les thématiques portés par l’extrême-droite en Belgique, ainsi que la réception de ces discours dans leur électorat ?
Malgré des différences notables entre elles – Marine Le Pen et Giorgia Meloni adoptent par exemple des positions divergentes sur l’Union européenne, l’OTAN ou la Russie –, les extrêmes-droites partagent des équivalents fonctionnels dès lors qu’elles accèdent au pouvoir, comme on l’a vu avec Viktor Orban ou Donald Trump.
Ces équivalents fonctionnels reposent sur trois éléments majeurs : le rejet des règles démocratiques (affaiblissement de l’état de droit, attaques contre l’indépendance de la justice, contestation des résultats électoraux), la délégitimation des opposants (transformés en ennemis ou traîtres), et l’encouragement de la violence (assaut du Capitol aux Etats-Unis). Partout où l’extrême-droite prend le pouvoir, les droits humains sont remis en cause, souvent au nom de l’ordre et de la sécurité.
Face à ces idéologies, les démocrates doivent défendre les droits humains et l’État de droit, qui constituent les garde-fous contre l’inégalitarisme, le nationalisme et le sécuritarisme. L’extrême-droite n’est pas seulement un phénomène politique, mais aussi un ensemble de discours, de propositions et d’actions qui s’inscrivent dans le débat public, et qui doivent être analysés à l’aune des principes fondamentaux de la démocratie.
Disparité entre Régions
Comment expliquer, en Belgique, le contraste électoral entre les trois Régions dans le vote en faveur des partis d’extrême-droite, et en quoi la Région bruxelloise présente-t-elle une situation singulière à cet égard ?

Le CRISP vient de publier un ouvrage collectif intitulé L’extrême-droite en Belgique[1], soulignant que cette idéologie se concentre surtout en Flandre, incarnée par le Vlaams Belang. En 2004, un électeur sur quatre en Flandre votait pour ce parti. Aujourd’hui, le Vlaams Belang reste crédité à plus de 25% des voix en Flandre, a terminé premier aux dernières élections européennes de 2024 avec plus d’un million d’électeurs ! Jusqu’ici, l’extrême-droite n’avait jamais accédé au pouvoir en Belgique, mais le 13 octobre 2024, le Vlaams Belang est entré pour la première fois dans l’exécutif communal de trois communes, dont Ninove, où Guy D’Haeseleer est devenu le premier bourgmestre d’extrême-droite depuis la Seconde Guerre mondiale.
À Bruxelles, la dynamique est singulière : côté francophone, l’extrême-droite n’a jamais connu de percée, tandis que côté néerlandophone, le Vlaams Belang a été le premier parti néerlandophone au conseil de la VGC, au point que les règles électorales ont été modifiées pour limiter son influence. Le cordon sanitaire médiatique, particulièrement fort, continue de jouer un rôle central, même si les réseaux sociaux l’ont partiellement affaibli. Mais l’extrême-droite peine à mobiliser un nationalisme belge, ce qui limite sa portée nationale.
Renforcer la résilience démocratique et restaurer la confiance politique
Face à la montée des discours d’extrême-droite, quelles stratégies et actions concrètes peuvent-être mises en œuvre pour renforcer la résilience démocratique et restaurer la confiance politique ?
Il convient de rester vigilant. On croyait l’Allemagne à l’abri de l’extrême-droite, mais ces dernières années ont vu sa réémergence, tout comme au Portugal, pourtant marqué par une longue dictature. La crise économique reste un facteur clé, non pas parce que les plus pauvres votent nécessairement pour l’extrême-droite, mais parce qu’un sentiment de déclassement peut se cristalliser, y compris dans des milieux aisés.
La crise de la démocratie représentative joue un rôle majeur : la défiance envers le personnel politique est aujourd’hui plus forte qu’envers les syndicats ou la justice. Les initiatives de démocratie participative pourraient, en ce sens, aider à revivifier les pratiques démocratiques et à restaurer la confiance.
La « dédiabolisation » de l’extrême-droite, autrefois cantonnée aux marges, reste un défi. En Belgique francophone, la lutte se fait sur le terrain des idées, des réunions publiques et du cordon sanitaire médiatique. Mais lorsque les idées d’extrême-droite sont reprises par d’autres partis, la banalisation s’accélère et la lutte s’en trouve fragilisée, au profit des partis d’extrême-droite.
Les médias et les partis politiques ont un rôle crucial à jouer. Pour préserver les droits fondamentaux et l’état de droit, il reste beaucoup à faire, notamment face à des dérives policières lors de manifestations ou à des atteintes à la séparation des pouvoirs, comme le montre l’avant-projet de loi Quintin.
[1] Biard, Benjamin et Gustin, Archibald (dir.). L’extrême-droite en Belgique. Bruxelles : Centre de recherche et d’information socio-politiques (CRISP), 2025.