Interview avec notre ministre de la Santé

De médecin en santé publique à ministre de la Santé en Wallonie et à la Fédération Wallonie-Bruxelles, Yves Coppieters se bat pour la promotion et la prévention de la santé. Notre députée Stéphanie Lange l’a rencontré pour faire le point après près d’un an de gouvernement.

Cela fait bientôt un an que vous êtes devenu ministre, comment vous sentez-vous ?

C’est très intéressant de passer d’un rôle d’observateur, de la société civile, à un rôle politique où on doit faire passer un message, mener des politiques publiques cohérentes, mais aussi convaincre dans un gouvernement qu’il faut avancer sur certains axes. Ça a été une année d’observation passionnante où j’ai pu rencontrer beaucoup de parties prenantes. On a maintenant les bases pour faire des réformes, amener des changements, et rendre opérationnelles les promesses faites lors de la campagne électorale, notamment par rapport aux ressources humaines, à la santé mentale, et à toute une série de problématiques de santé publique. 

Que dire aux citoyens qui craignent des coupes dans les soins de santé ?

Il faut les rassurer. Au niveau fédéral, on a maintenu la norme de croissance à 2,5%, donc des ressources supplémentaires chaque année pour assurer les soins de santé. À l’échelle régionale et communautaire, on va augmenter de 40 millions d’euros le budget de la prévention, donc on va le doubler. Ça nous donne beaucoup plus de perspectives ! On veut réformer toute la première ligne de soins et on veut renforcer la prévention: dépistage des cancers, santé mentale et toutes les dimensions environnementales qui conditionnent la santé des citoyens et citoyennes.

La santé mentale se dégrade chez les jeunes. Que prévoyez-vous pour endiguer le problème ?

La situation de la santé mentale chez les jeunes est catastrophique, il faut dire les mots. Il faut agir surtout en termes de prévention et renforcer la première ligne dans les prises en charge. Au niveau des leviers à notre niveau de pouvoir, c’est renforcer ces professionnels de la première ligne. On a renforcé toute une série de psychologues de première ligne pour que les citoyens y aient accès.

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On a revu complètement la première ligne de soins pour qu’il y ait beaucoup plus d’équipes pluridisciplinaires, que ce soit une équipe complémentaire qui puisse prendre en charge ces problèmes de santé mentale et autres

Et puis, il faut agir en termes de prévention. Il s’agit, notamment, d’aider les jeunes à rentrer dans le monde professionnel, parce qu’ils sont souvent laissés seuls, c’est une dimension très importante. Il y a également les addictions qui jouent sur la santé mentale: je pense aux drogues, mais ça peut être aussi l’alcool dont une consommation excessive entraine des situations dramatiques aussi chez les jeunes. On doit également travailler surtout sur la qualité de vie et le bien-être. Et il ne faut pas oublier la dimension environnementale qui est très importante chez les jeunes car on peut avoir des angoisses liées à la transition climatique.

Il faut donner des perspectives aux jeunes sur le plan du climat, de l’environnement, social, professionnel et et la qualité de vie. Les jeunes ne fonctionnent pas comme les générations précédentes, leurs valeurs de travail et la vie qu’ils veulent évoluent. Et c’est à nous politiques de tenir compte de ça dans nos réformes.

La prévention, ça passe aussi par une alimentation saine. Mais aujourd’hui, ça semble plus compliqué que jamais de bien s’alimenter : pfas, pesticides, etc. Quels sont vos leviers pour prendre des mesures concrètes ?

Notre levier c’est surtout de l’éducation, de l’information et de la promotion de la santé. On doit expliquer aux citoyens les risques en termes de toxiques environnementaux.,

de rappeler que l’alimentation est notre déterminant majeur de notre santé. Ce qu’on mange depuis notre petite enfance conditionnera ce qu’on va devenir plus tard en termes de maladie chronique, de surcharge pondérale et de risque de cancer. Il s’agit d’un facteur très important. Nous, pouvoirs publics, devons favoriser une alimentation saine.
Il faut convaincre que le bio, les circuits courts, les productions locales, c’est ça qu’il faut favoriser à tout prix. C’est une dimension économique et sociale très importante, mais en termes de qualité de l’alimentation ça joue aussi. Il faut aussi diversifier ses sources alimentaires face à la pollution du sol.
Au niveau européen, il y a l’ambition d’arriver à 30% de bio. Pour y arriver, au niveau de la région wallonne, on travaille avec les collectivités: les cantines des écoles, les hôpitaux, les maisons de repos, etc. On a comme objectif d’arriver à 30%-40% voir 50% des consommations alimentaires de ces collectivités qui soient du bio ou de circuit court. Je parle de celles qui dépendent des pouvoirs publics. On voit qu’en 2025 il y a un changement dans la prise de conscience pour une alimentation plus qualitative. Nous, pouvoirs publics, nous devons favoriser ça.

La Wallonie fait face à une importante pénurie de médecins généralistes et spécialistes. Quelles mesures avez-vous pu prendre pour endiguer le problème ?

Il y a déjà une grande victoire au niveau fédéral puisque Les Engagés ont obtenu l’augmentation du nombre de numéros Inami. Plus de 250 jeunes supplémentaires pourront rentrer dès l’année prochaine (2026-2027) dans la formation médicale. Ceux-ci vont renforcer les effectifs. Pour l’aspect francophonie, on aura 1.200 médecins qui pourront sortir des études, soit un gain de plus de 250-300 médecins. Dans mes compétences, j’ai la répartition de ces médecins dans les différentes spécialités. Actuellement, au moins 43% des étudiants doivent faire de la médecine générale. On veut augmenter ce taux à 50% et rééquilibrer les 50% de spécialistes vers les filières en pénurie (pédiatrie, gériatrie, etc.)

Manger

Au niveau de la Wallonie, on doit favoriser l’implantation de médecins dans les “déserts médicaux”. On doit donc continuer le processus IMPULSEO qui prévoit une prime à l’installation, des aides administratives et un encadrement pour aider les jeunes médecins qui s’ins-tallent dans les zones en pénurie. Pour les zones rurales, il faut aussi d’autres conditions: une école, une vie sociale et toute une série de dimensions plus personnelles et liées au fonctionnement de sa famille. Donc il faut aussi que les communes nous aident pour faciliter leur accueil.

Il manque également cruellement d’infirmiers et d’infirmières. Que faire face à cette pénurie ?

Il faut travailler avec les différents niveaux de pouvoir. Au niveau fédéral, tout d’abord, on doit mener une vraie concertation sur leur valorisation salariale. Au niveau de la Fédération Wallonie-Bruxelles, on doit travailler sur l’attractivité des formations. Il faut redonner de la crédibilité dans les métiers du soin pour avoir plus de jeunes

jeunes qui rentrent dans les métiers d’infirmier, mais aussi dans d’autres professions paramédicales en pénurie comme la kinésithérapie ou autres.

Et puis au niveau de la région wallonne, il faut travailler sur des meilleures conditions de travail. Au niveau des collectivités, on revoit les normes d’encadrement pour dégager plus de temps qualitatif aux infirmiers et infirmières. C’est un travail en cours. On va aussi donner aux employeurs des obligations par rapport aux conditions de travail et surtout aux horaires. L’objectif est de valoriser ces professions. Il y a également le virage ambulatoire, visant à permettre aux personnes de conserver leur autonomie à domicile tout au long de leur vie et de leur vieillesse. Pour cela, on a besoin de professionnels de santé de première ligne. On veut donc renforcer ces métiers par des revalorisations !

 

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Yves Coppieters & Stéphanie Lange