Comment ré-industrialiser nos territoires et en même temps atteindre la neutralité carbone en 2050 ?

Pourquoi cette thématique est essentielle ? 

Relancer l’industrie en respectant l’environnement, c’est un grand défi, à la fois pour l’Europe et pour notre pays. L’objectif est double : retrouver une souveraineté industrielle – ne plus dépendre des États-Unis ou de la Chine pour fabriquer nos voitures, nos avions, nos équipements – et répondre à l’urgence climatique. L’industrie représente aujourd’hui environ 20 % des émissions de CO en Europe et 28 % en Belgique. Il est important de souligner que, malgré ces chiffres, les émissions absolues de CO₂ sont en nette diminution depuis 1990. Le secteur a déjà consenti d’importants investissements pour diminuer son empreinte carbone. Il convient toutefois de noter que la délocalisation des activités industrielles les plus polluantes a également contribué à cette dynamique. Ces chiffres doivent être interprétés avec prudence et comparés à la dynamique d’autres secteurs et non uniquement le niveau absolu d’effort de l’industrie. 

Dans les années 1970, l’industrie représentait environ 30 % de la richesse produite en Belgique. Aujourd’hui, elle en génère moins de 20 %. Le nombre d’emplois industriels a également été divisé par deux, passant de 1,2 million dans les années 1980 à environ 600 000 aujourd’hui. Plusieurs facteurs expliquent cette évolution : l’automatisation, la délocalisation vers des pays où les coûts de production sont moindres, et la montée en puissance des services, ou tertiarisation de l’économie.

Cependant, il est important de rappeler que l’automatisation a aussi apporté des bénéfices majeurs : réduction de la pénibilité du travail, amélioration significative de la productivité par travailleur, augmentation de la compétitivité des entreprises et de leur capacité d’exportation. L’industrie reste donc un levier essentiel pour accroître notre création de valeur et renforcer notre PIB, au-delà des enjeux de souveraineté économique. 

En parallèle, les règles environnementales en Europe deviennent plus strictes – une évolution nécessaire pour protéger notre planète. Si ces exigences peuvent parfois peser dans les décisions de localisation, elles restent secondaires par rapport à d’autres facteurs comme les coûts salariaux, énergétiques ou le climat social. De nombreuses entreprises s’engagent d’ailleurs volontairement dans des politiques environnementales ambitieuses, sous l’impulsion de leurs clients, actionnaires ou partenaires financiers. 

Pour garantir une concurrence équitable, il est essentiel de mettre en œuvre efficacement des mécanismes d’ajustement aux frontières, afin que les produits importés respectent les mêmes standards environnementaux que ceux imposés aux producteurs européens. Sans cela, nos entreprises risquent d’être désavantagées et de voir certaines activités se déplacer vers des régions aux normes moins contraignantes.

Quels leviers ?  

L’Union Européenne s’est fixée comme objectif de réduire ses émissions de CO de 55 % d’ici 2030. Mais relancer l’industrie demande de l’énergie, souvent encore d’origine fossile (charbon, gaz, pétrole). On mise donc sur des technologies plus propres comme l’hydrogène ou la capture de carbone. Le souci ? Elles sont encore très chères. Par exemple, produire de l’hydrogène « vert » coûte trois fois plus que l’hydrogène classique. Le coût du transport de ces énergies vertes, mais aussi du CO2 capturé, sont aussi prohibitifs. 

Pour accélérer la transition, l’Union Européenne a lancé le Green Deal, qui propose plusieurs instruments structurants : 

  • Le Système d’Échange de Quotas d’Émission (ETS), qui oblige les entreprises à acheter des « droits à polluer », internalisant ainsi le coût du carbone et incitant à réduire les émissions. 
  • Le Mécanisme d’Ajustement Carbone aux Frontières (CBAM), destiné à éviter la concurrence déloyale en imposant une taxe sur les importations de produits fortement émetteurs. 
  • Le Pacte pour une industrie propre (CID) vise à garantir aux entreprises un accès à une énergie propre et abordable, tout en stimulant la demande pour des produits respectueux de l’environnement. Pour atteindre ces objectifs, plusieurs actions seront mises en œuvre : accélérer le déploiement des énergies propres et l’électrification, achever le marché intérieur de l’énergie en renforçant les interconnexions physiques entre pays et améliorer l’efficacité énergétique afin de réduire la dépendance aux combustibles fossiles importés. En parallèle, le Pacte prévoit aussi d’introduire dans les appels d’offres publics et privés des critères de durabilité, de résilience et de préférence européenne. 

Au-delà de ces mesures, d’autres leviers doivent également être mobilisés pour réussir la transition : la signature de conventions carbone sectorielles engageant entreprises et pouvoirs publics sur des trajectoires de réduction, ainsi qu’une attention particulière portée au coût de l’énergie. En Wallonie, par exemple, le prix de l’électricité reste en moyenne 17 % plus élevé que dans les pays voisins, et supérieur à celui pratiqué en Flandre, ce qui pèse sur la compétitivité industrielle. La transition énergétique ne pourra aboutir sans un effort coordonné pour garantir aux entreprises un accès à une énergie plus abordable, tout en poursuivant les objectifs climatiques. 

Souveraineté économique 

La Belgique dépend énormément des importations : par exemple, plus de 80 % des composants électroniques utilisés dans notre industrie viennent d’Asie. En 2022, 60 % des produits manufacturés achetés en Europe venaient d’Asie, contre 40 % il y a dix ans. 

Cette dépendance montre à quel point il est urgent de revoir nos politiques industrielles pour regagner de l’autonomie. Le rapport de l’ancien président de la BCE, Mario Draghi, souligne que des investissements massifs sont nécessaires pour renforcer l’innovation et retrouver une vraie indépendance industrielle en Europe. 

Il faut aussi tenir compte de la situation géopolitique : l’Europe dépend trop de la Chine pour certains matériaux essentiels (comme les terres rares, les batteries, les panneaux photovoltaïques, etc). Si on veut une Europe forte, il nous faut une industrie solide et diversifiée. Mais alors, sur quelles filières miser ? L’hydrogène ? Le nucléaire ? Les matériaux de construction ? Les puces électroniques ? La capture de carbone ? Et faut-il concentrer les efforts sur certaines régions plutôt que d’autres ? 

Qu’en pensent les Engagés ? 

Pour notre Mouvement, cette transition est une opportunité de renforcer l’autonomie stratégique et la compétitivité économique de nos régions, de notre pays et de l’Europe. 

Une stratégie commune, qui prolonge et renforce le Green Deal, doit avant tout offrir aux entreprises un cadre clair pour penser leur développement. Elle doit aussi leur garantir un accès aux financements nécessaires pour réaliser les investissements indispensables. Enfin, il est essentiel de mettre en place une réglementation qui assure une vraie équité entre les entreprises respectueuses de l’environnement et des normes sociales, et celles – notamment situées à l’étranger – qui ne sont pas soumises aux mêmes obligations. 

Nous défendons également une économie de proximité, qui favorise la production locale, notamment pour les biens essentiels. Cela permet de rapprocher le producteur du consommateur, de garantir une meilleure qualité, plus de durabilité, et une économie plus équitable. 

Débat de perspectives 

Mais alors, comment éviter le dumping environnemental et social entre pays européens et avec nos partenaires internationaux ? Et comment prévenir une guerre commerciale entre les grands blocs économiques ? Pour y répondre, plusieurs leviers d’action peuvent être envisagés. 

D’abord, une politique industrielle plus cohérente et mieux coordonnée à l’échelle européenne semble essentielle pour renforcer notre position collective, le Pacte pour une industrie propre (CID) montre la voie à suivre. Cela doit aller de pair avec un soutien ciblé au niveau belge, communautaire et régional, en tenant compte des spécificités de chaque territoire. Il est aussi nécessaire d’adapter notre fiscalité et de simplifier certaines règles administratives, pour encourager les entreprises à s’implanter et se développer chez nous, tout en respectant des normes sociales et environnementales élevées. 

La formation joue également un rôle clé. Adapter certains programmes scolaires, valoriser l’enseignement en alternance, renforcer la formation continue pour les adultes : autant de pistes qui permettent de mieux répondre aux besoins concrets des secteurs industriels, de rendre ces métiers plus attractifs, et de viser l’excellence. 

Enfin, relancer l’industrie passe aussi par des investissements dans des infrastructures adaptées, comme les réseaux de transport et d’énergie. À Bruxelles par exemple, la question est particulièrement complexe : la ville fait face à un manque d’espace disponible, tout en devant répondre à une forte demande en logements abordables et de qualité. Dans ce contexte, quelle vision devons-nous porter pour la Wallonie, Bruxelles, la Belgique et l’Europe ? 

Pourquoi ce débat ? 

Cette fiche a pour objectif de nourrir la réflexion collective dans le cadre du processus annuel des thèmes de réflexion. Le but de cette démarche n’est pas de pointer du doigt ou de simplifier un sujet complexe, mais bien d’écouter les expériences, de réfléchir ensemble et de proposer des solutions inspirantes et positives. Nous comptons sur vous pour enrichir cette démarche avec vos idées, vos expériences et vos initiatives ! 

Dans le cadre de son processus annuel de réflexion, Les Engagés invitent toutes et tous à contribuer à l’actualisation de notre projet politique. En complément des événements organisés sur le terrain dans les bassins de vie, vous pouvez contribuer en ligne à cette thématique!

Vos idées viendront alimenter les échanges locaux ainsi que les travaux du groupe de travail en charge d’élaborer des propositions concrètes. Chaque contribution compte !

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Quelle devrait être la priorité pour une stratégie industrielle belge à long terme ?
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Le rôle des Président.e.s des Groupes de travail

Les président·e.s des Groupes de travail occupent une place essentielle dans notre démarche participative. Désignés pour leur expertise et leur connaissance approfondie de la thématique, ils et elles ont pour mission de piloter la réflexion, d’animer les échanges au sein de leur groupe et de structurer les contributions. Ces dernières émanent des débats organisés dans les bassins de vie ainsi que des réponses recueillies via notre site. Les président·e.s veillent à faire émerger des recommandations claires, cohérentes et ambitieuses, qui seront ensuite soumises à l’Assemblée politique et à la Convention annuelle pour nourrir le projet du Mouvement.

Les Engagees Visages Olivier De Wasseige

Olivier de Wasseige

Douze ans comme cadre dans le secteur privé (dont la direction d’IBM Wallonie), dix-huit ans comme entrepreneur (Defimedia et Internet Attitude), formateur et consultant, puis six ans au service des entreprises en tant qu’administrateur délégué de l’Union Wallonne des Entreprises : ce parcours m’a toujours conduit à rechercher un juste équilibre entre développement économique, innovation technologique et responsabilité sociétale. 

C’est dans cette continuité que je préside aujourd’hui le groupe de travail « Comment réindustrialiser nos territoires tout en atteignant la neutralité carbone en 2050 ? ». Un enjeu qui incarne pleinement les convictions qui m’animent depuis des années : nous ne relèverons les défis climatiques qu’en recréant de l’activité économique locale, en réconciliant compétitivité et durabilité, et en misant sur les talents de nos territoires.