Budget wallon : le trou noir

Entre chiffres trompeurs et fausses économies structurelles !

Cet ajustement budgétaire wallon 2022 était très attendu vu l’urgence d’un retour à une trajectoire sérieuse de nos finances et face à la dette abyssale en Wallonie.

L’ajustement 2022 est un trou noir ! Où sont les vraies économies structurelles promises ? Où sont les fameuses « réformes basculantes » annoncées depuis septembre 2019 ? Les Engagés font le bilan en 5 points des mesures annoncées par le Gouvernement wallon entre chiffres trompeurs et fausses économies structurelles.

 

  • Le vrai déficit wallon s’accentue !

Le solde de financement SEC (déficit Maastricht) avant les « auto-corrections du Gouvernement wallon » continue à se dégrader : il passe de -3,014 milliards € à -3,093 milliards € ! Qu’en sera-t-il de la réaction de l’Union européenne face à ce résultat ? Qu’en penseront les agences de notation ?

  • Moins de 50% des 150 millions €/an d’économie structurelle

En novembre 2021, le Gouvernement wallon s’était engagé à réaliser 150 millions €/an cumulatifs d’économies structurelles pendant 10 ans, et ce en vue d’arriver à un montant d’économies annuelles structurelles de 1,5 milliards € en 2032. Cette décision avait été prise à la suite du rapport de la dette wallonne réalisée des experts. Lors de la confection du budget 2022, aucune de ces économies n’avait été identifiée !

Ce lundi 23 mai, les 150 millions € d’économies ont enfin été annoncés mais le caractère structurel d’une série de montants peut largement être remis en cause :

  • En recettes :
    • Les 7 millions € attribués au Fonds de la sécurité routière correspondent à une augmentation des recettes des amendes routières en provenance du Fédéral (recette erratique, en fonction des amendes et de ce que le Fédéral rétrocède dans le temps aux Régions).
    • Les 2 millions € de recettes de vente de bois, lesquelles dépendent de la coupe de l’année.
  • En dépenses :
    • Les 6,392 millions € d’adaptation à l’état d’avancement des investissements : ces montants devront être déboursés plus tard, en fonction du retard pris cette année.
    • Les 5 millions € sur la gestion de la dette ne peuvent non plus être considérés comme structurels, puisque les taux sont amenés à remonter et à exploser pour la Wallonie ! Dès lors, ils devront être prévus dans le cadre du budget 2023.
    • Les 20,8 millions € de financements alternatifs ne peuvent en aucun cas être considérés comme structurels, puisque c’est la constatation vraisemblable d’un retard dans les travaux subsidiés. Dès lors, un effet de rattrapage sera constaté ultérieurement.
    • Les 5 millions € d’adaptation aux besoins de la SWCS et FLFNW : en 2022, ces deux organismes auront besoin de moins mais qu’en sera-t-il en 2023 lorsque les taux d’intérêts des prêts hypothécaires remonteront ?

Par ailleurs, pour ce qui est des 38 millions € d’économies dans les dépenses de fonctionnement des UAP et du SPW, comment seront-ils réalisés en 2022, alors que nous sommes déjà à la moitié de l’année ? Qui plus est dans un contexte d’augmentation du coût des matières premières et de l’énergie ? Est-ce à dire que les fournisseurs et prestataires des services publics wallons ne seront pas tous payés en 2022 ? Le Gouvernement wallon s’apprête-t-il à utiliser la « technique de l’ancre » (le Ministre du budget stoppe le paiement des dépenses lorsqu’un seuil est atteint et reporte les paiements au 1er janvier suivant) ?

Enfin, le Gouvernement wallon annonce des mesures d’économie en matière de recherche. Quelles sont-elles ? Est-ce vraiment le moment vu la nécessité d’innover pour relancer la Wallonie ?

Autrement dit, contrairement aux recommandations du groupe d’experts de la dette, le Gouvernement wallon n’a réalisé dans le meilleur des cas que moins de 50% de cette économie structurelle de 150 millions € nécessaires en 2022 ! 84 millions € sont conjoncturels ou fortement aléatoires ! Qu’en sera-t-il lors de la confection du prochain budget 2023 où il faudra rechercher 300 millions d’euros (alors qu’en 2022, le Gouvernement n’aura réellement atteint que 70 millions d’efforts structurels !). Bref, le Gouvernement wallon a déjà raté la 1ère marche de son échelle d’économie structurelle à opérer !

  • Le Gouvernement wallon ne stoppe pas l’endettement de la Wallonie et le diminue encore moins !

En réalité, le Gouvernement stoppe la croissance de l’endettement direct du SPW et de ses services directs, ce qui est très différent ! En effet, alors que le Gouvernement annonce une amélioration de son solde brut à financer, il le fera entre autres via la mobilisation des réserves des Unités d’administration publique (UAP) – organismes qui gravitent autour de la Région et participent à l’endettement global de la Wallonie c’est à dire que leurs réserves et dettes sont prises en compte pour le calcul de la dette consolidée. Ainsi, ces UAP recevront moins de dotations mais devront couvrir les mêmes dépenses qu’avant, lesquelles créeront, par conséquent, un déficit que ces UAP couvriront via leurs réserves précédemment constituées. Autrement dit, facialement, la Wallonie dépensera moins (d’où l’amélioration du solde brut à financer), mais en pratique rien ne change : le taux d’endettement consolidé reste le même et le Gouvernement wallon reporte aux prochaines années les difficultés à devoir surmonter.

Ainsi, alors que le Gouvernement annonce un ratio dette consolidée/recettes qui devrait converger vers 180% sans aucune échéance pour l’atteindre, l’absence de choix du Gouvernement wallon devrait amener ce ratio dette consolidée/recettes à ne pas dévier de sa trajectoire actuelle soit 240% fin 2022 et jusqu’à 300% en 2024 !

  • Zéro réforme

Le Gouvernement wallon a opté pour le report des choix de vérité et de nouveau aucune réforme basculante n’est prise ! La preuve en est d’ailleurs qu’à aucun moment il n’est encore question du Budget Base Zero qui semble aux oubliettes, sans doute avec toutes les promesses faites sur le sujet aux institutions européennes, or qu’il était présenté comme la recette pour réduire l’endettement wallon.

  • Quels sont concrètement les 400 millions € d’efforts consentis par le Gouvernement wallon ?

Les Ministres ont expliqué qu’ils allaient sabrer dans leurs investissements … or il est établi que ce sont justement les investissements qui permettraient sur du long terme de générer des économies publiques et de soutenir la croissance économique wallonne. L’approche wallonne est d’ailleurs totalement contre-indiquée par le Conseil supérieur des finances dans son dernier avis sur le programme de stabilité de la Belgique 2022-2025.